vendredi 29 août 2008

The STOOGES : RAW POWER

The STOOGES : RAW POWER
The STOOGES : RAW POWER (1973)

Après deux albums les Stooges sont déjà presque à l'agonie. Le bassiste Dave Alexander est mort, le groupe ne vend rien, ses concerts font scandale, et le public ne suit pas les errements de cet Iggy Pop et de ses voyous de Detroit. Mais Iggy est coriace et va engager le guitariste James Williamson pour redonner un élan à son groupe. L'année 72 se passe entre répétitions et écriture d'un nouvel album, mais rien de sérieux ne se passe pour le concrétiser avant que Tony DeFries et David Bowie ne croisent Iggy à New York et ne le recrute pour enregistrer à Londre. Mais c'est Iggy Pop qui intéresse les deux producteurs, et pas les Stooges, leur enthousiasme se résorbant donc rapidement quand celui-ci impose son collaborateur Williamson, puis les frères Asheton pour la rythmique, en place des musiciens anglais proposés. A partir de là c'est un Iggy jusqu'au-boutiste qui dirigera lui même l'enregistrement de ce qui allait devenir Raw Power.

Quand l'album arrive dans les bacs, ce n'est pourtant pas exactement celui qu'a voulu Iggy Pop. David Bowie qui a travaillé au mixage a plutôt édulcoré le son que l'Iguane aurait souhaité le plus hard possible. Tout n'est cependant pas noir puisqu'en bon amateur de technologie, Bowie trouve quelques idées d'effets sonores, comme un écho artificiel la guitare de "Gimme Danger". En second lieu, la pochette qui orne l'album a été choisie sans consulter le groupe, et déplait à Iggy Pop lorsqu'il la découvre. Pour le coup on remerciera Bowie et DeFries pour leur clairvoyance, tant cette photo teintée de rouge est devenue une véritable icône du rock à travers les décennies suivantes. Iggy Pop racontera plus tard qu'il savait à l'époque que cette musique était trop extrême et ne pourrait pas fonctionner, d'où le "Death Trip" concluant l'album. Effectivement, six mois après la sortie, l'échec de l'album est évident, il est bradé à quelques cents par les disquaires, et les Stooges sont cette fois ci enterrés pour de bon. Quelques nouveaux morceaux seront bien écrit par le tandem Pop/Williamson, mais le quatrième album des Stooges ne verra pas le jour.

Vingt ans plus tard, Raw Power fait l'objet d'un véritable culte. Des générations de rockeurs et de critique rocks ont vécus leurs premiers émois sous les cris furieux d'Iggy, et celui-ci est devenu une légende vivante. Reste que le son de l'album n'est pas à la hauteur de ce qu'il est devenu, et que ce défaut s'est aggravé avec le passage au format cd. A l'époque des remasterisations, Raw Power bénéficiera donc du traitement de force, Iggy se chargeant de diriger un nouveau mixage pour lui rendre la hargne perdue. Le résultat de se travail, sorti en 1997, est devenu la version définitive de Raw Power, éclipsant totalement l'original pour en faire un chef-d'œuvre à la hauteur du son des années 90, celui de Nirvana et consorts. Electrique, sans cesse sur la corde raide, Raw Power est le type même du disque qui fait grésiller les enceintes, fait fondre les amplis, bref, en met plein les oreilles. Les riffs de James Williamson sont plus crachant que jamais, et Iggy hulule comme un possédé... ce qu'il était probablement plus ou moins, soit-dit en passant.

Car finalement, Raw Power est plus resté dans les mémoire comme une unité indivisible que pour les morceaux qui le composent eux-mêmes. C'est cette unicité qui fait son premier mérite. Il contient de la première à la dernière note la même rage incontrôlée et la même énergie débordante. Dépassant le hard-rock et préfigurant un punk auquel il survivra, Raw Power reste le mètre étalon de la hargne. Dans le pilonnage de tympans des frères Asheton se glissent cependant une vivacité musicale presque surprenante, fruit du jeu du maître des riffs qu'est James Williamson. Cela permet quand on y regarde de plus près de trouver des chefs-d'œuvre à l'intérieur de ce monument historique.

Quiconque ne connaît pas les deux titres d'ouverture a un sacré manque de culture à combler. On pardonnera quelques égarements sur la connaissance du reste du disque, mais ces deux puits sans fond sont si incontournables qu'on ne sait plus comment en parler. Traversé de part en part par un riff brutal, "Searche & Destroy" se voit pourtant dynamité par une seconde piste de guitare perçant les tympans dans les aiguës de ses solo. Iggy Pop y cherche la mort et la destruction, échappé qu'il est du cauchemar de l'Amérique, napalm brûlant tout droit venu du Viet-Nam. Après ça, "Gimme Danger" est sensé être une ballade. Effectivement elle ne s'ouvre pas sur un riff carnassier et Iggy ne hurle pas à la mort. Par sa douceur apparente, elle désarme l'auditeur... pour mieux le prendre à revers. On devrait s'y attendre quand une deuxième piste de guitare apparaît, suivie d'une troisième, mais à chaque écoute on se laisse prendre par les frissons des cris d'Iggy. Modèle d'intensité, modèle de monté en puissance, ce genre de torture mentale pour mélomane masochiste n'a pas son pareil.

Mais le temps passe et il semble impossible de traiter totalement des trente quatre minutes de métal en fusion qu'est Raw Power. Le pouvoir cru, saignant. Toujours habités du pouvoir envoûtant de Fun House mais débarrassés de la longueur par leur nouveau guitariste, les Stooges mènent chaque titre à toute vitesse. "Penetration" se trouve être le morceau le plus... pénétrant. Iggy se fait séducteur, la guitare laisse un peu de place à quelques notes de piano retentissant étrangement, on croirait voir une version boostée du génial Dirt, ou bien le retour encore noirci des pires horreurs inventées par le Velvet Underground. D'ailleurs tout est résolument boosté dans ce disque, poussé au maximum. Il y a même une seconde « ballade », celle de la deuxième face bien sur, "I Need Somebody". En fait de ballade on a surtout droit à un riff ralenti, plombé à l'extrême, et à un chant plus traînant. Encore un envoûtement réussi sans rite vaudou.

Evacuons le reste rapidement, comme le fait la musique. "Raw Power", la chanson, est un condensé de l'esprit ambiant. "Shake Appeal" se fait presque dansante, mais avec la folie ambiante on dira plutôt délirante. Le riff se mélodise, Iggy twisterait presque, mais tout est toujours noyé dans le même venin. Autre grand rock, "Your Pretty Face Is Going To Hell" est un message adressé aux plus belles femmes... Iggy maudit à tour de bras, un peu tout et n'importe quoi, mais ça n'est pas bien grave, l'effet est saisissant. Encore un riff et des soli de flammes glaçant le corps, à l'image de "Search & Destroy". Mais les lignes et le temps passe, le disque va s'achever sur "Death Trip". La mort est certaine mais évoque toutes les renaissance à venir. Le punk va prendre la relevé quatre ans après Raw Power, alors que le disque commencera à faire son chemin vers le statu d'œuvre culte. En même temps Iggy renaîtra de ses cendre grâce au soutien de David Bowie qui l'entraînera dans une carrière solo fructueuse. Quelques années de plus et c'est les Pixies et Nirvana qui feront revivre le mythe de Raw Power, et aujourd'hui encore, on ne peu pas prétendre en avoir fini avec un disque aussi acéré que son acier tranchera encore pour quelques générations.

Track-list

1. Search And Destroy
2. Gimme Danger
3. Your Pretty Face Is Goin To Hell
4. Penetration
5. Raw Power
6. I Need Somebody
7. Shake Appeal
8. Death Trip

Pour l'album c'est ici : http://www.megaupload.com/?d=EADJU9T1

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